“L’Imaginaire est à l’Imagination ce que le Réel est à la Perception.” par
Jean-Marie ANDRÉ
-- LE TOUQUET. DOUAI, LILLE, PARIS ...
Un père médecin consultant, oeil vif, regard malicieux et curieux de tout mais en perpétuel
éveil pour l’humain, un arrière grand-père maternel musicien, une mère pianiste et
peintre ont fait que Françoise Bar-Filoche s’est passionnée très jeune pour la peinture,
encouragée par sa professeur de dessin du lycée de Douai. Elle a commencé très tôt la
peinture à l’huile. Devenue médecin anesthésiste, elle a continué à peindre les plafonds
des chambres de ses enfants et les murs des couloirs de ses appartements: Ici des nuages
aux plafonds, là des jungles et des animaux à faire pâlir le Douanier Rousseau! L’anesthésie
ayant ensuite beaucoup évolué, l’hypnose s’y est glissée. Elle s’y forme à l’Hôpital de la
Pitié Salpêtrière à Paris dès 2001.Avec les lignes 10 et 6 du métro, ce fut le coup de foudre
pour le Musée Guimet à portée de son rêve asiatique. Ce musée devint l’après midi, sa
seconde maison! Là, elle participa à l’atelier de calligraphie du Maître Yukoo Suzuki qui y
enseigna jusqu’à son retour au Japon et à celui de peinture japonaise Nihonga du Maître
Yiching Chen.
L’apprentissage a duré dix ans et continue dans l’atelier personnel de cette
artiste taiwanaise formée à l’université de Kyoto.
LE NIHONGA
Cette peinture née en Chine au VIII ème siècle a touché
le Japon en suivant le Bouddhisme et la Route de la soie
au XVII ème siècle. Le Nihonga reste au XXI ème siècle
une peinture traditionnelle dont la renommée s’est
internationalisée entre art traditionnel nippon millénaire
et abstraction occidentale. Mais derrière cet art
millénaire, la modernité et son souci de la multiplication
pointe son nez en apportant à cette tradition quelques
«nouveautés»: les pigments céramiques faits de cristal
artificiel et colorés avec des composants métalliques
mélangés à haute température ainsi que les résines
acryliques en lieu et place de son medium, le Nikawa!
LE NIHONGA EST COMME L’AQUARELLE ET LA FRESQUE...
Le Nihonga est une peinture à l’eau comme l’aquarelle
et utilise les mêmes pigments naturels comme la
fresque. Pour cela elle fait appel à la nature que ce soit
pour l’eau, le bois, le papier, la roche, le sable, les os
et peaux d’animaux, d’oiseaux, de poissons et enfin les
coquillages qui broyés donneront le Gofun. Toutes les
couleurs viennent de pigments naturels, d’oxydes de
métaux, de terre broyée. Il en va ainsi pour le bleu de
l’azurite du carbonate de cuivre, le bleu du lapis lazuli
des silicates, la turquoise du cuivre et/ou de l’aluminium,
le vert de la malachite, le rouge et le vermillon du
cinabre de mercure, le rose de la tourmaline et du granit.
Les pigments naturels à base de terre comme l’ocre
jaune, l’ocre rouge, l’argile blanche du kaolin, le noir
du charbon obtenu après combustion du bois de pin.
A cela s’ajoutent les pigments végétaux: l’ocre, l’indigo,
le safran du crocus. Les pigments animaux comme
le carmin de la cochenille et le blanc des coquillages
concassés. Il y a aussi les feuilles de métal d’or, d’argent,
de platine et de cuivre dont l’épaisseur nous laisse
rêveurs:0,1 micromètre! Sans oublier l’encre noire
fabriquée avec le charbon obtenu par la combustion
du bois de pin et de sa résine et les pinceaux aves poils
d’animaux et de cheval.
LE PAPIER EST SON SUPPORT LE PLUS UTILISÉ...
Pour le Nihonga, le papier
est composé de fibres
longues et résistantes
pour faciliter l’adhésion
des couleurs des pigments
minéraux dont le grain joue un rôle important. Après
broyage, la «lévigation» permet de laver la poudre
obtenue et de la filtrer pour ne garder que les particules
les plus fines. Celles-ci, de 0,1 à 0,001 millimètres, sont
fixées sur le papier et vont permettre à la lumière d’y
entrer en vibration et de générer une luminosité plus
intense. Plus les particules sont fines, plus la couleur
nous parait claire.
Ce papier ou Washi est fait main
à partir de l’écorce du murier.
La qualité du papier
dépend de la transformation de la pulpe de la fibre. Elle
augmente avec l’ajout de fibres de Ganpi pour obtenir
un aspect lustré. Le papier est fixé par marouflage avec
une colle de peau sur une toile, sur un panneau de bois
ou tendu et collé sur un cadre de bois. La soie ou Eginu
est aussi utilisée après modification de sa texture pour
la rigidifier.
Elle permet en
peignant ses deux faces
d’obtenir une «coloration
inversée» surprenante
sous l’effet de la lumière.
Quant au bois et au lin,
ils sont plus rarement
employés.
SON MÉDIUM...LE NIKAWA
La gélatine était déjà utilisée pour fixer la couleur des
peintures sur les fresques égyptiennes. Le Nihonga
utilise une colle ou gélatine, le Nikawa, faite à partir de
la peau et des os d’animaux mais aussi des poissons.
Séchée, elle se présente en bottes de «trois mille
morceaux» comme les bâtonnets de réglisse du passé
mais dans une couleur ocre foncé qui n’incite pas à les
sucer! Il va falloir les fragmenter, les faire tremper et
les réchauffer sans les faire bouillir puis les mixer avec
les pigments. Cette colle, dans laquelle les pigments
ont été broyés, est d’un usage subtil. Trop forte, les
pigments deviennent ternes, trop faible ils adhèrent mal
au support.
KUMORI. «C’EST NUAGEUX»
SON TOUT... UN ART DE TRADITION
Pour Françoise Bar-Filoche, la calligraphie est la trace sur
le papier d’un cheminement vers le nirvâna, le samsara
du Bouddha de la forêt. Toutes ses oeuvres, peintes dans
son atelier Bonsaï du Touquet, sont réalisées dans le
plus pur respect de la tradition orientaliste et de la
philosophie bouddhiste. Puits d’hiver nous entraine dans
l’univers imaginaire de l’Haiku, poème japonais très court